mercredi 13 janvier 2016

Beau, oui, beau comme lui.



Il est 7h du matin, et je ne me lève pas tôt, non.
Je me couche tard.

Ou plutôt, je ne me couche pas, et j'exorcise.
Sur ce blog sur lequel dorment plusieurs projets et que je me remet doucement à entretenir, j'ai l'intention de raconter une histoire.

Une histoire qui est la mienne, mais qui est émaillée de lui.
Un lui qui est unique et multiple, qui traverse les époques, qui construit l'histoire, qui déconstruit les frontières et qui fait danser à travers les univers du temps les hanches des hommes et des femmes.

Je me souviendrais longtemps de ce matin de janvier 2016.
Quatre jours sont passés, et j'ai encore l'impression de mourir à l'intérieur.
J'avais passé une très mauvaise nuit. J'ai eu mal aux jambes. pas la douleur de base, non, la bonne douleur de merde qui m'a traîné tant de fois à l'hôpital ces derniers temps.
J'ai vaguement allumé le téléphone pour voir qu'on m'avait taggé dans un poste d'info. J'ai cliqué.

Bon sang,
Je le jure, Je l'ai senti. Mon coeur qui se déchirait.
Totalement à poil dans les draps, mon téléphone dans la main, de la morve plein la bouche à force de pleurer, je n'arrivais plus à respirer.
David Bowie est mort. 


Ce n'est rien.
C'est juste un chanteur.
C'est juste une autre personne célèbre.
C'est pas important.
C'est pas comme s'il était de ta famille.
C'est pas grave.

Comment vous expliquer que, dans mon coeur, dans mon esprit, sous ma peau, dans toute mon âme, les phrases "c'est pas grave" et "David Bowie est mort" ne pourront jamais aller ensemble.
Même évoquer la mort dans une phrase parlant de Bowie ne devrait servir qu'à parler de sa reprise de Brel.
(car oui, il a fait ça. )

Bowie pour moi, c'est...
Je ne sais pas l'expliquer.
C'est pas mon chanteur préféré, mais c'est la voix parfaite.
C'est pas mon artiste préféré mais c'est il est mon absolue référence.

C'est à lui auquel je pense quand on parle d'art. C'est à son oeuvre à laquelle je pense quand on parle de génie. C'est à lui que je me réfère quand je pense à un héro, et si je devais avoir un modèle, ce ne serait que lui.
Tout ce qu'il fait me touche.
Je n'aime pas tout, mais tout me touche.
Jamais je ne parlerais de lui au passé.
Parce que ce que je suis, je le dois en grande partie à Bowie. 



Je n'ai pas été élevé dans une culture musicale vraiment... Bon, tout ce qui n'était pas Français, musicalement, chez moi, c'était Simon and Garfunkel, et des compositeurs classiques.
Je l'avais déjà entendu chanter oui, lui,  (ma mère aimait Julien Clerc et Nostalgie. Voilà. Ya du Bowie sur nostalgie. ) à la radio, mais bon, Let's Dance, et China Girl, j'ai longtemps eu envie de les brûler pour l'exemple en même temps que Ma Bohème et Le Métèque, chansons stars de Nostalgie.
Br.
Entre ça, et les Jean Ferrats et autres Brassens de mon père, sincèrement, la musique outre manche, j'étais pas préparé.

Moi, je le connaissais surtout parce que ma mère, qui s'en battait l'oeil avec une pince à sucre de mon éducation musicale contemporaine (on avait vaguement une "anthologie des tubes 80" à la maison, faut dire) mais qui comptait que je sois une personne bien éduquée en matière de cinéma me faisait des gorges chaudes de Furyo.

A l'époque j'avais 13 ans.
J'étais malheureuse, mal dans ma peau, ça allait pas du tout.
Donc, après avoir entendu parler de Furyo, de comment c'était beau, etc, que ma mère s'extasiait sur ce type, là David Bowie, le mec avec des yeux bizarres, ralalah, il est merveilleux, mais siiii, tu connais,David Bowie! (oui je connais, je veux l'enfermer dans une pièce et l'obliger à écouter Let's Dance en qualité Nostalgie pendant 24 heures) (en plus il fait des pubs pour Vittel, ce type est pas Net. ) (Link si vous me croyez pas. )
Bref, j'avais un peu l'impression de passer à côté de quelque chose de fou.
Donc, j'ai regardé Furyo. 



Enorme claque ta race.
Je l'ai regardé en boucle, fasciné par ce mec qui mangeait des fleurs avec ses yeux tarés, comprenant totalement pourquoi le gardien du camp japonais tombait amoureux de lui.
Je vous le conseille.
Et en VO (ça s'appelle Merry Christmas Mister Lawrence. ) parce qu'on écoute pas de doublages de ces gens.
J'avais 13 ans et ma vie venait de changer.

Comment est-ce qu'on pouvait être... Dégager tout ce... Et avec toutes ces expressions qui...
J'avais 13 ans et je venais de me heurter de plein front, en plein dans le tableau de bord et à 130 à l'heure, à Bowie.

De manière assez drôle (olol, destin, petit farceur) j'ai rencontré mon premier déclic musical quelques semaines plus tard:
Placebo.
(oui, placebo jusqu'en 2009 ils sont intouchables dans mon coeur. Maintenant je sais pas ce qu'ils font.)
Et une chose en entrainant un autre, vu que j'ai bouffé tout les albums en un temps record, j'ai aussi rencontré Bowie.
Mais Bowie le vrai.
Bowie, la voix. Bowie l'esprit sur scène. 



Ecoutez moi ça, et dites moi si une gamine de 13 ans a pas de quoi en sentir son ventre devenir de la gelée de groseilles.

Pour info, les paroles ont été écrites par Brian Molko, et il avait pas de mélodies dessus.
Un jour, Bowie (qui avait déjà prit Placebo sous son aile en mode "vous venez me faire ma tournée anniversaire les mecs? Oui? Et sinon j'ai dit à EMI de vous produire, bisous. Oui, première scène dans des stades, et alors, t'as peur ou quoi? T'inquiète petit peuple, 80 000 personnes, à la fraîche." a appelé Placebo en mode tranquille pour leur faire "wesh les gros, j'ai composé un ptit truc sur votre texte, là, tiens, écoute ça: *plonk plonk chanson*. Alors, c'est pas mal, hein? Chiche on la joue sur scène ensemble, hein? Dépèche toi parce que après faut que jme la donne en full dépression avec Nine inch Nail, alors, oui ou oui? "
(Avec Nine inch Nail, donc. )
(Que ceux qui pensent que tout le charisme de Reznor est aspiré dans le néant par la voix du grand blondinet à côté lèvent la main. )

Donc évidement, Brian Molko, qui est pas fou, a accepté le cadeau de Monsieur Bowie, et quelques années plus tard, le résultat arrivait dans mes oreilles. 



Chaos et frénésie dans ma vie.
Non sérieux.

Je me suis mis à chercher ce qu'avait fait cet escogriffe avec une voix qui ressemblait à du pétrole en fusion en train de cramer du velours.
Et évidemment.
Eeeevidement je suis tombé sur ça: 



T'as treize ans.
Un genre TRES incertains. (genre dans Placebo, tu veux pas te faire Molko mais plutôt être lui. Surtout quand il met des robes avec des jeans. )
Assoiffé de musique.
Et tu tombes sur la période Ziggy Stardust.

L’extase absolue de mon jeune moi même.
Bon sang.
Ziggy ça a été mon idéal de "tout ce que je veux être dans la vie, un joue je serais Ziggy" et ce malgré cet immonde body japonais, oui, David, je l'ai vu en vrai ce body, assume le.

J'ai regardé les lives de  Ziggy Stardust and the Spiders from Mars.
J'ai dl en scred sans sous titres L'homme qui venait d'ailleurs (tuez moi ce film a eu beaucoup trop d'impact sur mon existence, j'en rêve encore et je l'ai pas vu depuis 10 ans, il est dans mon étagère j'ose paaaaaas le regardeeeeeer), j'ai regardé toutes les interviews d'époque de Bowie disponibles sur un youtube balbutiant, et ce durant des années (oui ma frénésie a duré de mes 13 ans jusqu'au lycée) .

Et puis quand j'ai été calmé, je me suis mis à lire, à regarder les autres films dans lequel était Bowie (alors, Bowie en Tesla : explosion de nerdisme) (regardez Le Prestige, y'a DAVID BOWIE en MOTHERFUCKING NIKOLA TESLA dedans. ) (et un peu Christian Bale, Scarlett Johansson, et Hugh Jackman, mais who cares. Bowie. Tesla. toi voir. ).
J'ai découvert Labyrinthe, et la certitude que j'aurais laissé mon petit frère transformé en gobelin pour écouter le Roi des Gobelins me chanter des chansons jusqu'à la fin des temps, tranquille.



Bowie s'était installé dans mon coeur.
Il n'était pas beau comme "ouah il est trop beau, tombons-on in love" non, beau dans le genre "oeuvre d'art qui marche parmi les hommes, cet être humain est réel, pincez moi."
Il était bon musicien pas genre "ouah, qu'est-ce qu'il est bon musicien, j'adore" mais genre "il a changé le monde de la musique, il en a profité pour révolutionner la mode, il a inventé des algorithmes pour écrire ses chansons c'est un génie absolu".
Et des exemples comme ça j'en ai des tas.

Il est devenu ma référence.
Mon bonheur.
Mon héros.
Il a prit une place spéciale dans mon coeur. La place d'un être exceptionnel qui m'a toujours poussé, toujours motivé, qui m'a fait grandir.
Il m'a suivit depuis ma naissance réelle, la découverte de la musique, ce qui a entraîné tout un cheminement qui m'a guidé jusqu'ici, aujourd'hui.
J'ai en quelque sorte toujours jeté un oeil sur ses pas en construisant mon propre chemin.
Il est le monolithe indéracinable de ma vie.
Mon repère.
Mon Bowie. 


J'ai prit l'habitude de me dire:
Si un jour, je réussi, peut-être qu'au détour d'un repas, je rencontrerais Bowie.
Et ce jour là.
Qu'est-ce que je lui dirais?
"Bonjour. "
Oui, bien sûr que je lui dirais bonjour. Est-ce qu'il va répondre? Non. Trop de gens qu'il ne connait pas le saluent tout le temps. Il va certainement sourire avec ce petit hochement de tête. Bon. Ensuite.
"Je..."
Qu'est-ce que je peux dire?
Qu'est-ce que je peux lui dire qu'il n'a pas déjà mille fois entendu? Qu'est-ce que je peux dire à quelqu'un qui a tellement changé ma vie, qui a fait battre mon coeur tellement longtemps, que je reconnais à la première note, que j'aime pour de multiples raisons...
Qu'est-ce que je peux dire à cet homme qui compte tellement pour moi, qui a ouvert mes yeux?
"Je voudrais vous remercier. D'avoir fait de moi ce que je suis."
Oui, voilà, je pourrais lui dire ça.
Je devrais lui dire ça, d'ailleurs.
C'est la seule chose que j'ai à lui dire.
Parce que je voudrais lui parler de tellement de choses. De son courage d'avoir laissé Ziggy derrière lui. De ses peintures. De l’Angleterre, et de l’Allemagne. De l'Homme qui venait d'Ailleurs et D'Elephant Man.
Mais au final, la seule chose que je voudrais lui dire vraiment c'est ça.
"Merci."

Je me l'imaginais souvent.
Est-ce qu'il aura ces yeux là? Les yeux de Bowie.
Bien sûr.
C'était pour moi une évidence.
Un leitmotiv.
Cet homme est en vie quelque part, cet homme qui a changé ta vie.
Et si tu te donnes assez à fond, que tu travailles assez dur, tu pourras peut-être un jour lui dire merci.





En ce matin de janvier.
Le 10 janvier 2016.
C'est ça que j'ai perdu.

Il est parti.
Et un morceau de mon coeur est parti avec lui.
Ses pas se sont arrêtés.
Je ne pourrais plus les regarder en traçant mon chemin.
Et ça me fait tellement mal.

Il me manque.
C'est terrible.
Je n'ai pas de mots.
Ce n'était pas un proche, ce n'était pas un membre de ma famille, c'était... C'était Bowie.
C'était mon Bowie, mon espoir, ma voix dans le noir, mon leitmotiv.


Le 10 janvier 2016 je suis allé chez le perceur pour lui demander de me percer en plein milieu du visage.
Pour que je le souvienne à chaque fois que je me regarde dans le miroir que ma vie a changé. Qu'il n'est plus là.
Mais que ça ne doit pas être négatif.
Il n'est plus là pour que je m'appuie sur son ombre gigantesque, mais je me servirais du chemin qu'il a tracé pour construire le mien. Je prend les bonnes décisions.
Je ne faillirait pas. 






Et au final, il fallait que je le dise.

"David.
Monsieur Bowie.

Merci.
Merci plus que tout pour ton existence sur cette terre.
Merci d'avoir été grand, et noble. Merci d'avoir donné ta voix.
Merci de m'avoir changé.
Lors de cette exposition à Paris, quand j'ai vu tes costumes, lu les textes écrits de ta main, j'avais cette impression, cette énergie qui me traversait, comme un retour surpuissant de tout ce que tu m'as donné au cours de ces quinze ans maintenant en ta compagnie.
J'en ai pleuré.

Merci.
Tu me manques.
Je t'aime pour toujours.
Jamais je ne parlerais de toi au passé. "

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