mardi 19 mars 2013

"Cher moi" "Dear me".


Jeremy Semet, un de mes camarades d'écriture a décidé de lancer le projet "Cher moi", que vous pouvez retrouver ici:
Il s'agit d'écrire une lettre à son soi de 16 ans.
Et les Dieux savent que j'aurais des choses à me dire...



J'avais seize ans. Foutrediable.
(néanmoins, déesse acné m'avait épargnée,
hallelujah.)


"Hey you.
Chez toi, nous sommes en 2006. Tu as seize ans. Tu habites dans cette maison sans âme dans une bourgade pourrie où il n'y a même pas de bus. Ta mère a soudainement décidé que ta chambre serait meublée dans les tons oranges, et tu as l'impression de vivre dans une grosse citrouille.
Tu vis dans cette maison, avec ta mère, ta soeur qui doit avoir huit ans à l'époque, l'espèce de petit enfoiré qui te sers de beau-père, et le chien dont personne ne s'occupe, et qui prend des roustes quotidiennes de la part de l'enfoiré sus-cité.
Toi, tu es en année de première littéraire. Tu roupilles confortablement en cours avec le Fiston, tu as rencontré le Batteur, et Jeremy est toujours ton meilleur ami. Le lycée est ta vie. Tu y passes tout ton temps. Tu lis pas mal, tu as découvert les joies d'internet. Et tu as commencé à écrire.
Peut-être même que tu as fini d'écrire l'histoire de Jackie et Jude. Ta première histoire. Tu en es fière. Tu as raison. C'est une belle histoire. Bien d'autre viendrons.
Tu commences à te douter que ta vie, ce sera ça. Créer des histoires.
Tu es une passionnée de cinéma, et de cinéma d'animation. Combien de fois est-ce que tu as vu Gladiator? Est-ce que tu te pâmes toujours devant les effets spéciaux de la Weta pour le Seigneur des Anneaux?
Rassure toi, à l'âge que j'ai, je n'ai toujours pas fini de me pâmer.

Je suis toi.
Je suis ton toi du futur.
Ce n'est pas grand chose, tu sais, en terme de futur. Je n'ai que vingt-trois ans. Mais le chemin parcouru de toi à moi est immense.
Je te regarde, enroulée dans ton grand manteau noir que tu aimes plus que tout, avec tes hautes bottes à talon, ton maquillage noir, tes ongles noirs, tes vêtements noirs, et ta mère qui soupire en te disant que ce n'est qu'une passade.
Tu ne travailles pas en classe parce que tu n'en as pas besoin, et ton arrogance à ce sujet est à la hauteur de ton envie de vomir quand tu entres en classe.
Tu ne manges plus. Tu as perdu trop de poids. Tu hésites chaque jour entre ton envie de te foutre en l'air de manière rapide et violente et un futur que tu imagines, dans lequel tu racontes plein d'histoires, dans lequel tu fais du cinéma.
Tu dessines aussi. C'est pas grand chose. C'est moche. Mais tu t'acharnes.
Je te regarde, et tu ne me fais pas de la peine. Parce que tu es forte. Parce que tu vis au milieu du carnage créé par un fou qui vit dans ta maison, parce que ta propre famille a coupé les liens avec toi, mais que tu tiens. Tu es forte. Il n'y a pas de marques sur ta peau. Tu n'essaies pas de te détruire. Tu vis.
Tu es ce que je suis, tu es ce que je vais devenir.
Un corbeau. Un animal qui survit, dans n'importe quelle situation. Sous n'importe quel climat. Même sans nourriture. Tu es une survivante.

Je sais que tu te détestes. Que tu hais passionnément ton corps.
Mais que tu aimes plus que tout tes fringues.
Ça durera longtemps.
Mais, je vais te dire un secret. Ce n'est pas qu'une passade. Tous ce que tu as eu envie de faire, tu le feras. Tu ressemblera à ce que tu veux. Si tu me voyais. Oui, je me suis rasé les cheveux. Oui, j'ai les cheveux rouges. Plus rouges que ceux de ta mère. Des piercings? Pas mal, oui. Des tatouages? Si tu savais...
Tu réaliseras un jour que tu t'appartiens.
Cette peur sordide au creux de ton ventre, cette peur qui appelle la Mort. Elle sera longtemps ton cauchemar. Jusqu'à ce que tu la regardes en face. Que tu te regardes.

Bientôt, tu vas crever.
C'est du moins l'impression que tu auras. Et ça va pas passer loin.
L'année prochaine, ton coeur va lâcher de trop de pression. Tu n'en pourras plus de cette vie à naviguer entre le lycée, ta chambre ravagée par tes parents, et le grand fauteuil rouge où tu les écoutes crier, tous les sois. Tu n'en pourras plus d'entendre ta mère te dire qu'elle a honte de toi, et que tu es une putain.
Tu vas tomber amoureuse, il sera trop compliqué, tu vas le quitter, et ça te tuera.
Une partie de toi sera morte pendant six ans.
Tu vas souffrir. Mais tu vas survivre.
C'est comme ça, et ça ne sert à rien de s’apitoyer.

Je sais quel sont tes voeux les plus cher.
Que le beau père s'en aille, que tu fasses du cinéma, que tu aies ton propre endroit pour vivre, et ta propre famille..
Le beau père s'en ira. Réjouis toi. Tu vivras avec l'envie de l'éventrer en place publique, ou plus sobrement, de l'humilier, mais il va s'en aller. Faire du cinéma... On y travaille, mais ça avance.
Quand à l'endroit à soi, à la famille... Ca se passe pas mal. D'années en années, ça va aller. rassure toi. Tu t'en rapproches.
Tu seras libre. Tu te souviens du "carve your name into my arm"? Tu choisira de te faire graver "liberté". Et ça marchera assez bien.
Quand à l'amour...
S'il te plait, crois-y. Même quand tu cesseras d'aimer. Parce que tu cesseras. Quand le Poète sera sorti de ta vie, tu n'aimeras plus. Les frissons dans le ventre, l'attente. La joie de revoir celui qui fait battre ton coeur. Tu te laissera piétiner par des hommes que tu n'aimeras pas, parce que tu as déjà aimé trop fort, petite conne amoureuse que tu es. Qui donne trop tôt, trop vite, et sans honte.
Mais je t'en prie, crois-y. parce qu'un jour, les choses changerons. Les choses changerons, et tu ne verras plus Poète comme le grand amour de ta vie.

Ne t'appitoie pas. Cesse de pleurer.
Arrête de te lamenter sur toi-même. Tu es seule, mais c'est dans cette solitude que tu te construira. Dans cette solitude que tu construira tes histoires, et tes projets.
Il faut que tu travailles, et que tu ne cesses jamais. Tu es solide.
Et jette moi cette arrogance. Elle ne te vas pas. Je sais, tu es entourée d'idiots. Et ça ne changera pas. Tu seras jugée, on te crachera dessus. Ta mère ne sera pas la seule à te traiter de putain. On te traitera de putain toute ta vie. C'est comme ça. Ca ne sert à rien de te regarder le nombril en faisant du pathos.
Tu as mieux à faire.
Crois-moi.

Mon petit moi-même.
Après sept ans, je peux te dire maintenant que je t'aime. Et que tu mérites qu'on t'aime.
N'en doute pas. Sois gentille avec toi-même comme tu l'es avec les personnages de tes histoires.
Tu es belle. Tu es grande et forte.
Sois courageuse.
Je te promet, je te jure, que tu pourras bientôt respirer. A grandes goulées.
La vie ici n'est pas très facile, je sais. Avec la furry family on a pas trop d'argent, et on s'en sort comme on peut, mais on est pas seuls, et ça va aller. On est libre. De faire ce qu'on veut. Cette pensée me donne le vertige.
Petit moi-même, je te dis à bientôt.
Ne t'oublie pas en route.

Leo QueenofBones Codh, from Bones Land."

3 commentaires:

  1. Putain...
    J'ai relevé des passages de ton article, je les ai montrés à Mercutio, et il est d'accord avec moi: celle que tu étais à 16 ans me ressemble de façon vraiment troublante. Devrais-je, du coup, prendre ta lettre pour moi?

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  2. C'est étrange. Parce que j'ai puisé au plus profond de moi même pour cette lettre.
    Alors, si tu veux, tu peux la prendre pour toi, mais sois sûre que, si tu me rassembles comme tu le dis, même si ta vie sera pas rose, tu vas t'en sortir. Et avec les honneurs!
    J'espère que tu vas bien, et je t'embrasse.

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  3. j'aimerais bien pleurer mais l'Homme arrive dans quelques minutes alors je peux pas, ça va faire couler le mascara. Mais je me force.
    Je t'aime.

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