mardi 27 août 2013

Ode to my Family.

Autant prévenir avant de partir, je n'ai aucune putain d'idée de là où cet article va m’amener.
Cette fois pas de projet d'articles, pas de causes à défendre, pas de plan de dissertation sur des opinions plus ou moins contestables.
Juste un gros poids au fond du ventre qui étrangle le monstre, mon univers, et m'empêche de réfléchir.

C'est ma mère qui m'a apprit qu'écrire, laisse s'écouler les mots, avait le pouvoir de tarir les larmes et d'expliquer les silences.

Ma mère qui m'a dit la dernière fois que je me suis rasée la tête que j'étais moche.
Ma mère qui a monté ma jambe tatouée à tout le monde en disant que c'était bien fait mais qu'elle trouvait ça très laid.
Ma mère qui trouve normal que ma frangine traite le Roi de con.
Ma mère qui pense que je suis une menteuse, une affabulatrice.
Ma mère qui "sait" que j'ai fumé au lycée, que j'ai séché des cours, que j'ai fait des choses pas très propres avec un mec plus vieux que moi, que je me suis faite dépuceler à quinze ans.
La Queen Mom.
Ma mère.

Et puis il y a ma soeur.
Ma soeur qui ne travaille jamais, qui n'aide jamais ma mère, qui se balade dans des fringues à plus de 50 euros la pièce, qui a une gueule grande ouverte du haut de ses même pas quinze ans, et qui me jette au visage que "au final on verra bien laquelle de nous deux s'en sortira le mieux, sale conne".
Ma soeur qui refuse de marcher dans la rue en même temps que moi.
Pour qui ne compte que le prestige, le fric, et son portable.
Ma soeur.

Et ma famille.
Mes grands parents dépassés et fatigués.
Mon oncle qui en a ras le cul.
Ma marraine qui pense aussi que je raconte n'importe quoi.
Cette condescendance constante quand ils me regardent.
Cette sensation de ne pas exister, de ne pas être là, de parler dans le vide.
Parce que je suis une ado attardée, une fille en crise, avec des drôles de fringues, qui se cherche.
Ma famille.

Mon père.
Mon père encore.
Mon père jamais présent, mon père qui fuit.
Mon père qui accumule les conneries comme des perles sur un collier trop plein.
Mon père qui n'arrive pas à communiquer avec moi, et pour cause, quand on récupère un gamin à dix-huit ans passé, et qu'on veut faire son éducation, on se rends vite compte qu'on ne peut pas faire grand chose.
Mon père qui regrette.

Tout ces gens.
Tellement condescendants.
Tellement désireux de me montrer ce que doit être ma vie.

Je n'ai pas besoin de vos conseils.
Ni de votre opinion.
Bientôt, j'attendrais les vingt-quatre années.
J'ai la tête rasée, des piercings, la jambe tatouée, je pratique une religion païenne, je vis à travers mon appareil photo, je veille sur ma famille de chats. C'est ce que je suis.
Et je n'ai pas besoin de vous pour savoir ce que je suis.
Je n'ai besoin de personne pour m'accepter telle que je suis.
Je suis moi dans l'entièreté de mon être.
Peut-être que je suis étrange et décalée par rapport à certain critères, mais je suis moi.

Et vous avez fait de moi ce que je suis.

Retour en arrière.

Avant ma naissance, ma mère est tombée amoureuse, folle, de mon père.
Il était grand, plus agé qu'elle, et ça a été le coup de foudre.
Ma mère était une passionnée, elle l'a aimé sans limite, mais mon père, lui, n'arrivais pas à se dire qu'il allait se caser avec quelqu'un.
Il a trompé ma mère.
Plusieurs fois.
Elle lui a pardonné.
Elle voulait un môme.
C'était pas facile pour elle, elle a fait plusieurs fausses couches avant de m'avoir.
Finalement, elle est tombée enceinte pour de vrai.
Mon père a crisé et s'est barré en Afrique.
Quand il est rentré, j'allais naître. Il ne voulait pas de moi.
Le jour de l'accouchement, il n'était pas là.
Quand j'étais bébé, il ne s'occupait pas de moi.

Quand j'avais deux ans, il a lourdé ma mère.
Puis quand j'avais trois ou quatre, il l'a reprit.
Il lui avait promit qu'ils habiteraient ensemble, et il m'avait promis qu'ils me feraient un frangin ou une frangine.
Quelques semaines après ces promesses, il a largué ma mère, encore.
Pour toujours.

Quand j'ai eu six ans, il a demandé la garde alternée.
Je n'avais pas aller chez mon père.
Je ne le connaissais pas beaucoup, et au fur et à mesure, il s'est mis à me faire peur.
Ma mère et moi étions très fusionnelles.
C'était la personne à qui je faisais le plus confiance.
A l'école j'avais des problèmes. Je me faisais taper dessus. Je n’aimais que lire et je n'aimais pas les autres enfants. J'avais peur d'aller à l'école.
Mon père s'est mis avec ma belle mère.
Une femme avec qui il trompait ma mère bien avant ma naissance.


Ma mère s'est mis avec mon beau père.
Au début il était gentil.
J'ai eu huit ans, ma petite soeur est née.
Je voulais une petite soeur.
Ma mère et mon beau père se disputaient beaucoup.
Il y a eu un séjour à la montagne, avec des grosses disputes. A la maison, ça marchait pas très bien. Et après la naissance de ma soeur, ils ont faillit se quitter.
A cette époque, j'avais très peur de mon père.
J'étais malade à chaque fois que je devais aller chez lui.
Je ne supportais pas sa nouvelle femme.
Avec ma mère et mon beau père on a été viré d'un premier appartement.
On est allé habiter ailleurs, dans une maison.
Ma mère et mon père hurlaient l'un contre l'autre à chaque fois que je devais aller voir mon père.
Mon beau père était souvent nerveux.
J'ai écrit à mon père pour le dire que je ne voulais plus le voir.
Je ne l'ai plus vu.
Il a cessé de venir.
Mon père est parti une nouvelle fois.

Je suis allée au collège.
Je ne savais pas nouer des relations sociales, alors je me suis fait encore taper dessus.
Ma mère a dit que c'était de ma faute.
Je n'ai plus parlé à ma mère.
De toute façon, elle se disputait avec mon père.
Ma petite soeur avait deux ans.
Elle adorait son père.
Elle venait parfois dans ma chambre et elle me mordait les bras au sang.
Ma mère me disait d'être gentille avec elle.
J'ai découvert le cinéma fantastique. J'ai arrêté de vivre dans le réel, et j'ai commencé à lire des histoires.
Ma mère est retombée enceinte. Un petit frère.
Il n'était pas assez fort et il est mort sans voir le monde.
Pauvre petit frère.

On a été virés de la maison.
On a tout mis au garde meuble et on est allé vivre chez mes grands parents. Dans l'appartement de mon arrière grand mère qui venait de mourir.
Au collège, je me faisais taper la tête contre les murs, je vivais au CDI.
Ma soeur était gâtée par son père qui avait complètement oublié que j'existais.
Entre temps, j'avais apprit que mon père lui aussi avait pondu une môme.
A la maison, ça hurlait tout le temps.
Tout le temps.
Tout le temps.
J'étais tombée en dépression.
J'étais persuadée que j'allais voir des monstres qui allaient me dévorer si je regardais le noir, la nuit. J'avais peur de la mort, parce que je pensais que la mort habitait dans mon ventre.
J'avais l'impression d'être folle.
Tout le monde hurlait.
Ma petite soeur était devenue anorexique à la mort de mon arrière grand mère.
J'avais peur qu'il lui arrive mal.

Mon beau père n'avait pas donné les courriers du garde meuble où on gardait toutes nos affaires depuis le déménagement dans le petit appartement de ma grand mère.
Ils ont tout envoyé au broyeur et vendu le reste.
On a tout perdu.
Toutes les photos.
Tout les souvenirs.
Tout nos jouets.
Ma mère a hurlé tellement fort ce jour là.
Je n'ai jamais entendu quelqu'un hurler avec autant de désespoir.
Ca a hurlé encore plus fort dans la maison.
J'ai commencé à détester mon beau père.
Et ma soeur me détestait pour ça.
Ma mère me prenait pour une folle.
Je me prenais pour une folle.

On est allé habiter dans une autre maison.
Ma soeur a eu un chien.
Mon beau père a tapé sur le chien.
Je suis rentrée au lycée.
J'avais envie de mourir tout les jours.
Au lycée, j'avais des amis. C'était bien.
Je m'y sentais mieux que chez moi.
Je suis devenue gothique par amour des fringues de mes potes et par amour de la littérature.
Ca hurlait à la maison.
Ca hurlait tout le temps.
Je ne pouvais plus dormir.
J'avais l'impression que si je dormais j'allais mourir.
C'est la musique qui m'a sauvé. C'est Placebo qui m'a sauvé. C'est Peter Jackson qui m'a sauvé, lui aussi.
J'avais définitivement perdu contact avec le monde réel.
Je voulais vivre pour sortir de cet enfer, ne plus voir mon beau père, ne plus entendre les hurlements perpétuels, les disputes, mais si j'avais vu la mort arriver, je l'aurais accueillit avec soulagement.
Je ne parlais plus à personne.
Plus à ma mère, plus à ma soeur, j'avais envie de tuer mon beau père.
A table, on me rabaissait toujours. Toujours. Je détestait les repas. On me disait toujours que je n'étais pas assez bien.

J'ai eu le bac.
Sans aucune fierté.
Je savais que je l'aurais, et je n'avais même pas travaillé pour ça.
Je voulais m'en aller de la maison et faire du cinéma.
Hors de question.
On m'a mis en fac de langue.
Je n'y ai rien foutu.
J'ai commencé à fumer parce que j'avais faim, parce que ma mère n'avait plus d'argent à cause de mon beau père.
J'ai rencontré My Love, mon amie de galères, et elle m'a aidé à aller mieux.
Elle m'a poussé à passer les concours d'école d'art.
Ma mère a lâché l'affaire, on a fait un emprunt à la banque.
Ce n'était pas l'école que je voulais, mais, soit, j'allais pouvoir faire ce que j'aimais.

A la maison, c'était le chaos.
La famille était folle.
Ca hurlait tout le temps.
J'en prenais plein la gueule comme tout le monde.
Tellement de méchanceté, tellement de haine.
Je ne sais même pas s'ils se rendaient compte.
Je rendais les coups pour ne pas hurler.
Je ne pouvais toujours pas dormir.
J'écrivais.
Pour ne pas être dans cette réalité.
Pour ne pas vivre cette vie.

Avec mon petit ami Soleil, j'ai pu échapper un peu à tout ça.
Etre moins chez moi.
Finalement, mon beau père est parti.
En laissant des dettes, et en traînant ma mère plus bas que terre devant ses propres parents.
Mon père a profité de ce moment pour réapparaître.
J'ai rencontré mon autre soeur.
Je lui ai donné tout l'amour que je pouvais.

J'ai fait mon école d'art.
Mais même mon beau père pati, la violence était continuelle.
Normale.
Des cris tout les jours.
Des menaces.
Des insultes.
Je voulais la paix.
Mon père a donné de l'argent, j'ai payé un appartement à côté de l'école.
Les fournitures, le papier, tout ça coûtait tellement cher...
J'ai eu faim.
Faim.
Si faim.
J'ai prit un chat pour ne pas être seule, et il y avait Soleil, qui n'aimait pas ce que j'étais, mais ça allait parce que je n'étais pas toute seule.
J'avais quelques amis de l'école.
My Love est partie en Angleterre. J'ai beaucoup pleuré.
La dépression est revenue.
Le monstre de la Mort dans mon ventre me mangeait de l'intérieur.
Je n'ai pas fini ma licence à l'école.
Ma mère ne me parlait plus beaucoup.
Mon père essayait de me comprendre.
Ma soeur me méprisait.

J'ai prit un nouvel appartement, j'ai commencé un travail, commencé à étudier pour un autre concours, à Angoulème.
Mon père venait voir si je travaillais.
Vers la fin de l'année, il m'a dit qu'il ne m'aiderai pas financièrement pour ce concours.
J'ai tenté quand même.
Je voulais pouvoir me rattacher à ma seule réalité.
La réalité dans laquelle je voulais vivre et qui n'était pas celle dans laquelle on m'avait poussée de force.
J'ai eu le concours.
Je l'ai eu.
Moi toute seule.
J'étais fière.
Mais il n'y avait plus d'argent.
Plus de bourses. Les dettes de la première école.
Alors, non.
Non, je n'irais pas dans cette nouvelle école.
J'ai essayé de me tuer.
J'ai vraiment essayé de me tuer.
La Mort n'a pas voulu de moi.

J'ai rencontré les Dieux de mes ancètres.
Puisé en moi l'espoir, je me suis accrochée à mes rêves.
Avec ma mère ça allait très mal, avec mon père aussi.
Ils ont payé une dame pour qu'on puisse se parler tout les trois, devant elle.
C'était ridicule.

Je voulais avancer toute seule.
Qu'importe le chemin.
C'était trop fort pour moi. Ce qui vit en moi est plus grand que moi même. Et je devais avancer.
Même si on se moque, même si ma mère me rejette, même si mon père s'emporte.
Je me suis retrouvée quasiment à la rue, j'ai failli crever de froid et de maladie.
J'ai rencontré le Roi.
J'ai encore déménagé.

Et maintenant, je suis là.

Alors qui?
Qui va me dire comment mener ma vie?
Qui va me dire ce que je suis supposée faire?
Qui va me dicter mes envies?

Ma mère?
Mon père?

Non.

Je ne suis pas une menteuse.
Je ne ment pas.
Je n'ai pas prit de drogue.
J'ai commencé à fumer à la fac.
J'ai eu un mec qui avait quinze ans de plus que moi, mais on a couché ensemble, quelques fois, et c'est tout.
Je n'ai jamais été pétée à plus en savoir où j'habite.
Je n'ai jamais eu de dettes.
Je n'ai jamais fait de mal consciemment à qui que ce soit, si ce n'était pas pour me défendre.

La seule chose que je veux.
Que je veux.
Plus que tout, plus que n'importe quoi d'autre.
C'est la paix.
Etre tranquille, dans mon chemin, avec MA famille.
Celle que je me suis faite.
Mes amis, le Roi, mes petites boules de poil.

Et je défie quiconque, parents compris, de venir m'apprendre à vivre.
De me dire comment je dois m'habiller, me coiffer, comment parler, comment vivre.

Parce que je sais qui je suis.
Qui je suis malgré vous.
Je suis fière de moi.
Je suis contente de la personne que je suis devenue.
Et il me tarde de voir la personne que je vais devenir.

Avec ma conscience pour moi.
Et une conscience nette.

Bien à vous.

Leo  QueenOfBones-
From Bones-Land

3 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ton blog. J'ai presque tout lu. La manière que tu as de raconter, ici comme dans un ton plus humoristique et satirique dans tes autres articles, est magnifique. Vraiment. Je suis tombée par hasard sur ton blog il y a quelques semaines, et c'est un coup de cœur. Tes réflexions sont très intéressantes aussi.
    Je me sens quelque part proche de ta manière de penser. J'ai eu du mal à trouver qui j'étais, comment me positionner aux autres, même si je n'ai pas eu de problèmes financiers ou familiaux semblables (quoique fondamentalement on a tous des problèmes familiaux difficiles à gérer). Mais depuis quelques années, je sais qui je suis. J'admire le message que tu transmets; c'est parfois difficile d'être tolérant, surtout quand on a été soi-même rejeté.

    Bref, je te souhaite de réussir à faire ce que tu aimes dans le cinéma et à surmonter les galères matérielles, parce que tu le mérites.
    Bonne continuation =)

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  2. Très intéressant encore une fois. Mais j'ai toujours du mal à comprendre, quand on est une telle écorchée de la vie, comment on se lance dans des études sans aucun débouché. Tu l'as dit, tu as été à deux doigts de la catastrophe, notamment à cause de ta famille de cas sociaux.

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  3. Parce que comme dit dans cet article, je fais ce que je veux.
    Et qu'entre avoir une toute petite chance de faire ce que j'aime, et zéro chance par pragmatisme mal placé, je préfère me donner une chance.En réfléchissant comme ça, et en désavouant la possibilité de donner corps à ses ambitions, tu régis comme ont pu réagir tout les gens qui ont décidé que je devais mener ma vie comme ils le voulaient, mais "pour mon bien."
    Il ne t'appartiens pas de porter ce jugement.
    Quand à ma famille, ils sont ce qu'ils sont, mon beau père est une enflure, mais pour le reste il s'agit de ma famille, de personnes, qui ont parfois du mal à se comprendre les uns les autres, qui ont le caractère qu'ils ont, et qui ont fait des erreurs, et des erreurs de jugement.
    Mais en aucun cas je ne te donne le droit de les traiter de cas sociaux. Déjà parce qu'on est tous le cas social de quelqu'un et qu'on ne juge pas les gens sans les connaitre.

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