samedi 1 novembre 2014

Ceci est mon sang.

Tais toi car tu ne sais rien. 
Le gamin de 19 ans qui donne des leçons de morale au nom de sa sublime insolence. Le végétarien qui te dis avec condescendance que bien manger n'est pas un luxe. L'adulte, et le vieux qui te reprochent de ne pas gagner au moins un smic. Le patron, l'agent pôle emploi qui considèrent qu'avec un diplôme en cinéma on a bien de la chance de travailler au mac do. 
Reconnaissez au moins votre ignorance.
Vous ne méritez pas l'existence. Les gens comme moi sont la chair sur laquelle vous bâtissez votre empire.Buvez, ceci est mon sang.

Leçons de morale d'adolescence?
Bon dieux, je vous en prie. Cessez. 
L'adolescence n'a aucune humilité. Je le sais, oh bon sang, je le sais, j'ai été tellement adolescente, tellement longtemps, trop longtemps et trop arrogante. Une sorte de contrepoids du vol de mon enfance. Tellement adolescente que vous m'auriez vomit. 
Et je sais que je ne savais rien. 
Tellement rien.

C'était facile, oh bordel que c'est facile.
C'est facile de se laisser le luxe de souffrir quand on est nourrit. C'est facile de donner des leçons quand on a un toit. 
La rage est facile quand on a une chambre, quand on a un paravent.

La vie, non, ce n'est pas ça.
La vie c'est être perdu. C'est n'avoir aucune assurance. Rien.
Faire des choix c'est les assumer quitte à en mourir.
J'ai choisit d'être photographe, de vivre de mes passions, quitte à en mourir. Ca tombe bien. Je suis tellement pauvre que je pourrais bientôt ronger la crasse entre mes ongles pour survivre. J’entraîne tout ce que j'aime dans ma chute par orgueil, parce que j'ai de l'espoir, pour vivre de ce que j'aime,  et là il n'y a pas de révolte, juste une rage contre un système qui me tue.Je veux juste vivre.
Et le seul romantisme que je pourrait avoir, là maintenant c'est de rester digne et de m'ouvrir les veines dans la baignoire afin de ne pas faire porter au roi le poids mort qu'est mon existence.
Mais je ne peux pas.
Parce que j'ai trois chats. Trois chats.
Trois gosses.
Qui comptent sur moi.
J'ai un compagnon.
Qui en crèverait.
Et putain, oui, que je voudrais avoir cette noblesse adolescente qui me permet de dire d'un ton péremptoire "je ferais ça plus tard, et sinon je mourrais essayant".
Je voudrais mourir.

Sales connards.

Végétarien condescendant qui t'explique comment te nourrir et vivre ta vie. Sans poids sur ma conscience.
Connards.
Mon poids sur ma conscience c'est l'humanité.
Je n'ai pas honte de manger mon égal, j'ai honte de faire partie de l'humanité.
Je n'ai pas honte de bouffer des animaux. Je ne me sens pas coupable des abattoirs, je ne me sens pas responsable des holocaustes animalières quotidiennes. Je ne me sens pas humaine. Je me sens animale et je pleure pour mes frères et soeurs morts sans respect de leur âme, sans personne pour les remercie de donner leur vie pour la mienne.
Je ne porte aucune culpabilité.
Je porte le poids des erreurs des moutons qui forment l'humanité. Ma génération porte tellement fort le poids de toutes celles d'avant que j'ai arrêté de me sentir coupable.
On paie pour la guerre, pour le racisme, pour la politique, pour le gâchis de l'éducation, pour le changement désastreux de monnaie, pour une dette qui nous oblige à payer de notre sang la vie de tout les gens de plus de trente ans.
Et vous voudriez que je culpabilise? 

Manger est un luxe.
Et en ce qui me concerne, la santé, l'arrêt de la douleur est un luxe.
Alors "bien manger sans se sentir coupable", foutez vous le au cul.
Je n'ai aucune culpabilité.
L'industrie du lait, l'industrie de la viande, les monstruosités, la douleur constante, les cris que vous entendez dans vos têtes. Faites les taire si vous voulez. Renversez le gouvernement et l'ordre établi plutôt que de partager des recettes.
Laissez moi survivre avec 10 steaks dégueulasses pour 3 euros 50 parce que ça coûtera toujours moins cher que des légumes, et que c'est vrai.
Vous n'avez qu'à changer les choses, renverser la politique, plutôt que d'aller emmerder les pauvres.
Je mange ce que je veux parce que c'est mon SEUL plaisir. Mon SEUL loisir. Et je vous emmerde. Vous et votre conscience boiteuse.
Étouffez vous dans la culpabilité.
(je dirais bien que tout ceci ne s'adresse pas au végans et végés que j'ai comme amis, mais là concrètement, si ils sont mes amis, ils ne le prendront pas mal, et sinon tant pis. Braves gens, je désire une apocalypse. Ou une mort douce. Si vous ne "m'aimez" plus, tant mieux. On ne pleure pas ceux qui nous contrarient. )


L'adulte? Le vieux qui ne comprend pas?
Je t'emmerde.
Je t'emmerde parce que tout ça c'est de ta faute.
Tu as autorisé une société où l'ambition du bonheur se paie par la misère, où l'amour s'appelle "baise au 81212", où les études se remboursent toute une vie, et où les jeunes à l'intelligence décalée sont fourrés à coup de cachetons.
Oh, inutile de le nier. J'ai travaillé dans un collège. J'y ai vu l'enfer d'un broyeur. Moi qui aime les gamins ait été obligée de punir des gosses que leurs parents détestent. Des gosses sans avenirs et sans amour.
Adultes, vous avez niqué notre futur.
Vous n'avez aucune ambition, et vous souillez la notre.
Je vous hait.
Vos avez passé votre vie à délaver mes rêves.
Ils sont la seule chose que je garde contre moi.
J'ai testé. je me suis lancé.
Oh, peut-être que ça va décoller. Peut-être.
Ou peut-être je vais me tuer. Parce que sans eux, je ne suis rien. Et que vivre, construire une vie, sans être soi, c'est pire que l'enfer.
Je n'ai droit à rien.
Je n'ai droit à aucune aide, aucune considération. Mon corps est en miette. Mon matériel meurt.
Je voudrais vous emporter dans la tombe avec moi.
Je vous déteste.
Vos. Vos politiques. Vos plans sociaux. Vos éducateurs qui ont oublié ce qu'enfant voulait dire.
Vos et vos rêves morts.
Je voudrai vous tuer.
Non. je ne gagne pas de Smic. Non. J'ai tellement de dettes pendant tellement d'années à venir parce que j'ai cru en mes rêves que je vous ai vendu mon âme. Je ne vendrai pas mon corps à votre société.
Je vous vomis.


Le patron? Pôle emploi?
Je mangerai vos corps.
Vous n'êtes même pas de mon espèce.
Il n'y a aucune bête avec laquelle vous comparer. Même les fourmis prennent soins de leurs pucerons. Vous nous tuez car nous sommes interchangeables.
Nous ne sommes rien.
Qu'une distraction dans votre avancement sur une échelle sociale illusoire.
Vous n'avez aucun pouvoir. Vous le savez. Vous nous tuez.
Je ne vous hait pas.
J'ai pitié de vous.
Tellement pitié.

Et c'est tous ces gens là? Tous ces gens qui veulent me donner des leçons? Me cataloguer? M'épingler? M'apprendre à vivre?
Taisez vous.
Taisez vous parce que vous ne savez rien.

Certains savent.
Certains ont passé une vie entière à hurler.
Certains se débattent pour voir la lumière. Elle est au bout des ongles, réchauffe la pulpe des doigts, mais impossible de l'atteindre. Rage. frustration. Épuisement.
Vivre.
Je voudrais vivre.

Je fais mes propres choix.
Je choisis si je veux en mourir.
Oh non ce ne sont pas des paroles en l'air. Je ne me rangerai pas. Je ne ferai aucune concession. Aucune alternative.
Je trouverai un foyer à mes chats.
J'essaierai juste de ne pas faire souffrir mon Roi.
Je ne suis pas une écorchée. Je ne suis pas folle. C'est les autres qui sont tièdes. Les autres qui acceptent de vivre une demi vie de servitude. Faites en ce que vous voulez.
Mais cessez de juger mon existence.

Quand aux autres...
Continuez à hurler.
Débattez vous.
Griffez les murs.
Hurlez.

Que je vous entende...

9 commentaires:

  1. comme je comprend ce cris...courage et que Frey te garde, ne pas faire de concession c'est ça la vraie noblesse.

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  2. wow...que de colère dans tes mots...ces mots que je comprends car ils pourraient être miens mais n'arrivent pas à franchir mes lèvres... car ce maudit espoir reste ancré en moi... comme je te comprends! Peu importe les choix que tu feras, les chemins que tu emprunteras, tu as le talent des mots... même si pour le moment, ce sont des cris... courage belle âme...

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  3. Si tu passes dans mon coin, il y aura toujours une flambée dans la cheminée et à boite et à manger (Val dOise, Monmagny) et même un futon avec des couettes pour dormir et une salle de bain.
    Bises.

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  4. Comme je vous comprends, ce sont exactement les mêmes chose que je ressens aujourd'hui même si je ne suis pas tout a fait dans la même situation, mais oui ce sont des mots qui pourrait sortir de ma bouche, l'envie de mourir me traverse l'esprit assez régulièrement avantage je vis seul dans cette société qui m'écoeure un peu plus de jours en jour...

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  5. Et si jour vous passez dans la région toulousaine je peux offrir le gîte et le couvert

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  6. C'est un beau miroir de la société. on préfère faire crever les gens et leurs rêves que de les soutenir.
    Si un jour te passe en Belgique, ma porte t'es ouvert (oui ça fait trois article mais j'adore ta manière d'écrire ^^ )

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  7. Magnifique texte. J'ai mal pour toi, et c'est terrible parce qu'il doit y avoir beaucoup de gens en France dans la même situation.. Qui plus est, en lisant tes articles et en voyant tes photos, je trouve que tu as beaucoup de talent. J'espère que ça va s'arranger pour toi.

    Je trouve très vraie l'idée de « demi-vie de servitude ». J'ai dix-huit ans, je me suis retrouvée par un concours de circonstances dans un cursus d'études qui débouche sur le plein emploi et de bons salaires mais qui ne m'intéresse pas du tout. Je suis sur le point de tout envoyer balader pour préparer le concours d'une école qui me plait vraiment et personne ne m'encourage, on me fait culpabiliser … Je suis en train de réaliser que je me suis longtemps autocensurée parce que l'école/la famille/les médias répétaient que la crise, les études avec des débouchés, 100% d'embauche à la sortie, salaires élevés et compagnie … Ce qui m'avait convaincue que ce à quoi j'aspirais réellement "n'était pas un métier". Belle mentalité.
    (Désolée pour le pavé sur ma vie, c'est juste que ton texte m'y a fait penser..)

    Félicitations pour ton installation en tant que photographe. J'espère que 2015 te sera favorable. Ne perds pas espoir, tu as du talent et un jour où l'autre ça finira par payer !

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  8. Très beau texte et sentiment que je partage <3
    Si on veut voir le versant "positif" à tout ça j'ai écrit ceci si tu veux bien le lire : http://ca-se-saurait.fr/2015/10/30/generation-precaire/

    J'espère que ça te parlera même si je partage beaucoup de ton désespoir :-)

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