mardi 25 décembre 2012

Ma brave dame, mon bon monsieur.

J'ai les cheveux rouges.
Genre, rouge.
Rouge petite sirène.
Rouge écrevisse.
Red like Hell.
Et en plus, ma bonne dame, j'ai les cheveux rasés.
Oh oui.
3 Millimètres, de chaque côté de la gueule, au dessus des oreilles.
Je suis tatouée.
Percée. Percée en plein milieu de la face, sur la lèvre.
Et mes oreilles, alalah, mon pôv' monsieur. Mes oreilles sont de vraies gruyères.
J'ai un indus' (une grosse barre ondulée qui traverse mon oreille droite de part en part), huit anneaux, et un cartilage percé.
Tragique histoire.
Et encore, je vous parle pas de mes fringues...







Sérieusement.
C'est quoi cette bêtise?
J'ai 23 piges sonnantes et trébuchantes, je paie mes factures, j'ai eu un boulot (jâdis, avant que Connard l'ex boss ne décide de me faire démissionner), j'en cherche un autre. Je suis responsable, je bosse pour mes études, et j'élève la Furry Family sans qu'ils aient à s'en plaindre...
(Tu me citeras des chats qui ont eu des paquets emballés sous le sapin ce matin.)
(Bones-Land est équitable avec ses sujets. Même ceux qui ont des moustaches. On est pas des bêtes.)

Alors, certes, il me semble que j'ai encore PLEIN de choses à prouver, je suis pas encore réalisateur, je n'ai pas encore été payée pour ce que je publie.
Mais en même temps, il me semble que non, j'ai plus grand chose à prouver de pleins de côtés.

J'ai donc Vingt-Trois (en majuscules) années.
Dont huit à me détester et à avoir peur du moindre de mes gestes.
Et neuf à apprendre à m'aimer, me tolérer, et à m'assumer.
A sortir petit à petit de carcans complètement débiles et étouffants qui avaient étés mis sur moi depuis toute petite. Par ma famille. La société. L'école.
A désapprendre des codes comportementaux stupides, des codes vestimentaires dictés par la loi du marché, et la loi du plus fort dans les récrées.

Et maintenant, je m'aime.
Oui, je m'aime, et je me considère comme adulte depuis que j'ai apprit à m'aimer pour ce que je suis.

Et toi connard, tu viens me demander si j'ai pas envie d'être "normale"?
(PS: pas toi, gentil lecteur fait d'amour et de guimauve.)
Tu viens me demander si ça me plairait pas d'être comme "tout le monde"?
Je ne comprends pas le sens de cette phrase.
Je ne comprends pas l'abrutissement total et l'obscurantisme froid d'un jugement pareil.
Putain, mec (ou meuf, vous faites bien ce que vous voulez), j'ai eu un patron, ce type c'était "super normal" à côté de moi. Mais il était tellement taré dans sa tête, tellement maniaque, tellement faux et lâche, et tellement bizarre... A côté de lui, je me sentais si... Ouaih. Normale.
Et des exemples comme ça, j'en ai des tas.

J'ai mis pas mal de temps à comprendre en quoi mon apparence choquait.
Ya des potes à moi, comme Mo, lui, je comprend (un peu. de loin.) qu'il fasse fuir la mamie. Il a pas de sourcils, la langue coupée en deux dans le sens de la longueur, des anneaux plein la face...
Mais même lui, j'ai souvent du mal qu'on le regarde bizarrement.
Alors moi, je n'ai pas comprit les regards lourds de sens, avant vraiment longtemps. Comme si, après ma tentative de mimétisme durant toutes mes années collège, et primaire, j'avais subitement oublié ce que c'était que de se fondre dans les murs, et que j'avais oublié par la même occasion les regards.
Et puis, finalement, quand je me suis rendue compte que ça dérangeait personne d'être les témoins d'une agression dans la rue, mais que à côté de ça  une petite minette trop jolie pouvait se faire insulter parce qu'elle avait les cheveux bleus, j'ai comprit.

Tu rentres dans le rang.
Vites.
On pourrait te voir.
Tu rentres dans le rang et tu parles pas.
Ca pourrait entraver la bonne marche du monde. Ca pourrait remettre en question des codes.
Et ça, les remises en question, dans la vie quotidienne, ça fait peur.
Nos vies ne tiennent pas sur des valeurs assez solides pour supporter autant de changements d'un coup, et cachez moi ces punks que je ne saurais voir.
(Valable aussi avec toute catégorie stylistique underground, voyante, et qui passe pas sur MTV.)

Mais voila.
J'ai les cheveux rouges ma bonne dame.
Les cheveux rouges qui te piquent les yeux.
Je porte des chapelets et des pantalons d'arlequin burtonien.
Et des chaussures à plateforme qui me font culminer à deux mètres de haut. Et oui. C'est que je fais déjà pas loin du mètre quatre-vingt-cinq à la base.
Ouaih, je me les cherche.
Faudra pas que je m'étonne.

Que je m'étonne de quoi?
Du délit de sale gueule à cause duquel j'ai un putain de casier judiciaire pour avoir défendu une amie qui se faisait tabasser?
Que je m'étonne de la moyenne de 7 insultes (vérifiée après étude quotidienne, je raconte pas de la merde) par jour quand je me promène dans ma ville?
Que je m'étonne de me faire cracher dessus?
Que je m'étonne de pas avoir de travail parce que quand les employeurs voient ma face, ils pensent que je vais pas être à la hauteur?
(Sérieusement. Quand on a passé au moins deux ans dans mon école d'art, j'ai d'autres victimes volontaires qui témoigneront, et ceci sans s'ouvrir les veines dans la baignoire, on peut faire n'importe quel boulot. 12h par jour? Pas peur.)

Ben vous savez pas mon bon monsieur?
Je ne m'étonne pas.
En fait, j'en ris, même.
Ca me révolte, oh oui.
Mais j'ai la foi, mon bon monsieur. J'ai foi en moi. Je ne doute pas.
Les remarques ne peuvent m'ébranler.Les insultes ne peuvent que légèrement me faire sourciller. Plus de lassitude que de vrai énervement, d'ailleurs.

Mais à part ça.
Je suis libre, ma brave dame.
Je ne rends de compte qu'à ma mère, qui m'a élevée, et qui en a donc bien le droit. De toute façon, ma mère, elle est plus tatouée que moi, et elle avait les cheveux rouges bien avant ma naissance.
Je suis libre de faire ce que je veux de moi, libre des jugements.
Et je n'ai pas de haine qui me ronge.
Les yeux grands ouverts.
Et ça, ça vous fait chier, de ne pas trouver le miroir de l'agressivité dans l'agressé. De trouver en face quelqu'un de bien dans sa peau, qui n'est pas perturbé par les agressions colorimétriques de ses concitoyens.
(bon, si, des fois, ya des basquets nike, je comprends pas trop le délire. Ou alors, c'était un test pantone sous acide. Mais après tout. Les gens qui prennent de l'acide ont droit eux aussi de vendre des chaussures.)
Au fond, ma brave dame, mon bon monsieur, et toi, jeune petit idiot médisant, je ne vous déteste pas.
Vous êtes des gens bien, j'en suis sûre.

Et je vous souhaite de trouver la liberté de ne pas juger, un jour.
J'ai les cheveux rouges.
Oui mon bon monsieur.
Et la vie devant moi.
Ça serait triste de la gâcher pour rien. Pour ceux que je ne connais pas.

Ça serait triste que vous, vous la gâchiez aux autres petits comme moi, qui veulent s'émanciper.
C'est pas toujours facile sous vos regards. Sous vos carcans.
Prônez la liberté et l'indépendance.
Crachez dessus.

Oui ma brave dame.
C'est bien triste tout ça.
Bien triste.

Mais, pour finir sur une note positive.
Au final, ceux que ça dérange le plus, ma brave dame, mon bon monsieur, ce n'est pas moi. Ce n'est pas nous.
On peut très bien vivre avec.
Mais vous...
A voir vos faces quand vous voyez la mienne.
J'en suis pas sûre.

(PS: Petite dédicace à Decay et son merveilleux blog, parce qu'en la lisant, et avec le recul de mon age (Si vieille, je suis si vieille...), je me permet de dire que les choses ne changent pas pour ceux qui ont une "gueule à part", et qui le choisissent. Par envie. Par besoin.
Les choses ne changent pas. La bêtise reste la même. Les insultes varient peu. Mais nous, nous changeons. En mieux. Tolérance, ma brave dame. Tolérance même envers la bêtise. )
(PPS: par contre, ça va bien d'enfoncer les portes ouvertes, mais je ne reviendrai pas sur ce sujet. Ya peu de chances.)

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